1 – Le champignon : Claviceps purpurea (Fries) Tulasne

L'ergot de seigle est un champignon du groupe des ascomycètes, qui parasite le seigle, mais aussi le froment et l'orge. Par ailleurs, le genre Claviceps regroupe une cinquantaine d'espèces qui parasitent de nombreuses céréales. Les champignons de ce groupe, extrêmement nombreux puisqu'il comporte plusieurs dizaines de milliers d'espèces, présentent un cycle vital complexe.

L'ergot de seigle n'est en fait que la forme de résistance du champignon qui a un cycle de reproduction fort complexe. L'ergot se présente sous la forme d'une excroissance - le sclérote - qui se fixe au niveau des caryopses (grains de la céréale). Le sclérote a une forme plus ou moins arquée, il mesure de 1 à 4 centimètre de long sur 3 à 8 millimètres de large, il est de couleur pourpre foncé et vire au noir une fois à maturité. L’adaptation du parasite à son hôte est telle, que l’ergot mime le grain de sigle dont il occupe la place.

Ce parasite se nourrit du glucose résultant de la photosynthèse de la plante hôte pour synthétiser, à son tour, des lipides, des glucides, des amines ainsi qu’une vingtaine d’alcaloïdes, substances pharmacologiquement actives dont la teneur peut avoisiner 1 % chez certaines variétés. On retrouve notamment : l'ergotamine, l'ergocristine, l'ergocryptine, l'ergométrine, l’acide lysergique, etc.

Lorsqu’un sclérote mûre tombe sur le sol, il demeure "dormant". Un hiver froid suivit d’un printemps pluvieux provoque sa germination en prenant l’apparence d’un champignon. Ils portent dans leurs têtes des cellules asexuées qui sont éjectées au moment de la floraison des poacées. Ils infectent alors les fleurs en simulant le pollen. Chaque cellule remplace un grain en se fixant sur son canal d’alimentation et en se développant sous forme de sclérote. Au printemps, ils produisent des spores qui contaminent les jeunes plants et donnent naissance à un nouveau mycélium.

2 – Constituants chimiques

La composition est très complexe : lipides, stérols (ergostérol), dérivés anthraquinoniques (colorant la partie externe) mais surtout une très grande variété d’alcaloïdes indoliques (jusqu’à 1% dans les variétés cultivées) qui dérivent tous d’un même métabolite : l’acide lysergique.

Les alcaloïdes des groupes de l’ergotamine et de l’ergotoxine sont responsables en grande partie de la toxicité de l’ergot.

3 – Un peu d’histoire

L'ergot semble avoir été méconnu dans l'Antiquité car on en trouve mention pour la première fois seulement en 1565 sous le nom de Clavus siliginis. Pourtant, les épidémies d’ergotisme n'étaient pas rares et leurs graves conséquences sur la santé physique et mentale étaient bien connues mais aucun lien n'avait été établi ni avec le parasite ni avec la consommation de farines contaminées par des grains ergotés.

La consommation de farines préparées avec des grains ergotés provoque l’ergotisme, une affection marquée par des troubles graves liés à la vasoconstriction périphérique (douleurs cutanées, nécroses pouvant aller jusqu'à la perte d’extrémités gangrenées) et aux effets psychiques provoqués par certains des alcaloïdes de l’ergot de seigle. Première myco-toxicose à avoir été décrite, de nombreux cas d'ergotisme ont été rapportés en Europe depuis le Moyen Âge jusqu'au début du vingtième siècle.

Dans le passé, il était courant que soient mélangés les épis de seigle contaminés par l'ergot (seigle ergoté) aux épis sains pour faire la farine. Si la proportion de grains ergotés était importante, notamment en période de disette où tous les épis étaient utilisés, l'ingestion de la farine provoquait alors le "Mal des ardents" encore appelé "Feu de Saint Antoine" (voir plus d’informations dans la Remarque, ci-dessous). Cette affection d'allure épidémique comportait une forme convulsive et une forme gangréneuse accompagnées de délire. L'ingestion de farine ergotée provoque, en raison des alcaloïdes du champignon, une contraction des fibres musculaires lisses, notamment celles des artérioles, ce qui se traduit par une diminution ou un arrêt de l'irrigation sanguine aboutissant à une gangrène des extrémités suivie de leur chute. Lors des épidémies historiques, les chroniqueurs ont décrit le noircissement, la nécrose puis la chute des mains et des pieds chez les personnes atteintes ainsi que les perturbations des comportements, des perceptions et de la conscience. Dans certains cas, la maladie se manifestait par des convulsions sans qu'apparaisse de gangrène.

Au dix-septième siècle, la responsabilité du pain fait avec de la farine de seigle parasité fut reconnue tandis que l'identification de l'ergot comme origine de la maladie sera réalisée au siècle suivant. L'abbé Teissier montra ainsi en 1777 que l'administration de poudre d'ergot à des canards et à des porcs reproduisait les symptômes de la maladie. Cette connaissance devait en réduire progressivement les manifestations en Europe et la dernière épidémie se produisit en Russie en 1926.

En résumé, les effets de l'ergot sont terribles, ils sont dus en partie aux propriétés vaso-constrictives de ce champignon qui entraînent des gangrènes des membres dont les extrémités se momifient, noircissent et finissent par tomber. C'est la forme gangréneuse du mal. A ces effets s'ajoute la toxicité redoutable de l'ergot sur le système nerveux central. On retrouve des crises convulsives, dépressives et des épisodes hallucinatoires (comme pour le diéthylamide de l'acide lysergique ou LSD 25 qui est un dérivé de l'ergot). C'est la forme convulsive du mal. On retrouve également les effets ocytociques qui, en provoquant des contractions utérines violentes, peuvent déclencher des avortements. Les poules qui consomment l'ergot de seigle avec le grain, pondent des oeufs sans coquilles, car l'oeuf est expulsé

du tractus génital par les contractions avant que la coquille ne soit achevée.

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Petit plus : ERGOT DU SEIGLE Version 17

Remarque : le Mal des Ardents